Le travail de nuit (1) existe depuis longtemps dans des métiers comme la police, les pompiers, la santé etc. Toutefois avec l’ère de l’industrialisation, le nombre de salariés en horaires décalés ou de nuit (2) s’accroît. La loi du 9 mai 2001 autorisant le travail de nuit des femmes dans l’industrie n’a fait qu’accentuer ce phénomène. Aujourd’hui, 15,2 % des travailleurs sont concernés. Et parmi eux, environ 60% se plaignent d’insomnies chroniques, contre 22% des français en général.

Les troubles du sommeil et la qualité de vie de ces personnes demeurent une préoccupation. La dette de sommeil est estimée en moyenne à une nuit par semaine, soit 50 nuits environ par an.

De fait les travailleurs postés(3) sont souvent soumis à une désynchronisation avec des avances ou des retards de phase. L’horloge biologique va effectivement demander 2 à 3 jours pour réadapter le cycle veille/sommeil suite à un changement d’horaires ou après le temps de repos. La température interne quant à elle, va réclamer autour de 8 jours pour se recaler.

De plus, le corps va résister pour tenir à des moments où il est sensé dormir. Par exemple, la période entre 2h et 4h du matin est particulièrement difficile puisque l’organisme est au ralenti : baisse de la température interne, ralentissement de la respiration, du rythme cardiaque, présence forte de la mélatonine, l’hormone du sommeil, baisse du cortisol. C’est également l’heure du renouvellement cellulaire optimum avec la production de l’hormone de croissance qui répare les tissus.

Outre des répercussions plus fréquentes sur sa santé comme les altérations cardiovasculaires, les troubles immunitaires ou digestifs, les risques d’obésité et de diabète augmentés, la fatigue chronique, les troubles de l’humeur, un impact sur les capacités cognitives, la prédominance de certains cancers (celui du sein chez la femme et celui de la prostate chez l’homme), le travailleur posté lutte bien souvent contre la somnolence.

La somnolence

Le manque de sommeil chronique induit fréquemment des phases de somnolence. Une vision floue, un champ visuel diminué, une altération des temps de réactivité, un ralentissement de la prise de décision : tous ces facteurs augmentent le risque d’accidents du travail et/ou d’accidents de la route.

Il faut savoir que :

  • une période de 17 heures sans dormir correspond à un taux d’alcoolémie de 0,5g
  • la monotonie du trajet quotidien et l’approche de son domicile, entraînent un relâchement de l’attention et renforcent le risque d’accidents de la route après le poste de travail 
  • la conduite en 2 et 5 heures du matin multiplie par 5,6 le risque d’accident (source : blog du Dr Royan Parola)
  • on peut dormir même les yeux ouverts : ce sont des micro sommeils

Les faux-amis :

  • se dépêcher de prendre le volant malgré la fatigue
  • ouvrir en grand la fenêtre de la voiture pour se rafraichir les idées : la chaleur ou le froid excessif vont amener une baisse de la vigilance
  • prendre une barre chocolatée (attention, le sucre favorise l’endormissement !)
  • mettre la musique à fond…

Non, rien n’arrête la pression du sommeil hormis s’arrêter pour dormir, ne serait-ce que pour quelques minutes !

 

L’hygiène de vie du travailleur à horaires atypiques

Travailler en horaires atypiques exige une hygiène du sommeil et un équilibre de vie plus contraignants. Mais négliger son sommeil c’est négliger sa santé. En fait, l’hygiène de vie du travailleur posté ou de nuit, se rapproche fortement de celle du sportif compétiteur avec ses règles et ses exigences :

  • Dans le cadre de vos horaires, maintenir le plus possible un rythme régulier sur les heures de repas, de lever et de coucher, week-end inclus
  • Se ménager des siestes pour compléter sa “nuit” de sommeil et cumuler si possible 7 heures de sommeil en tout
  • Prendre la lumière avant la prise de poste et éviter la lumière vive en fin de poste. Si besoin, utiliser la luminothérapie (sous avis médical) pour “tricher” avec son horloge biologique
  • Maintenir une activité physique régulière : sport, déplacements actifs comme la marche et le vélo, loisirs comme le jardinage, bricolage,…
  • Privilégier une diététique au regard de votre propre rythme (pas celui de la famille) : protéines avant le travail, glucides pour aider à l’endormissement, en prenant soin d’incorporer des fruits et des légumes dans son alimentation. Penser à boire de l’eau régulièrement et en quantité suffisante surtout en poste de nuit
  • Respecter 3 repas par jour avec éventuellement une collation légère ; attention au grignotage et choisir des fruits secs plutôt qu’une barre chocolatée
  • Eviter de se refroidir en cours du poste en soirée et de nuit : bouger, s’étirer pour relancer la vigilance
  • Limiter en fin de poste la consommation de café, nicotine, alcool : ce sont des excitants qui vont perturber l’endormissement et le sommeil
  • Conserver un environnement propice au sommeil : température, bruit, lumière
  • Respecter vos rythmes biologiques et donc votre sommeil, est un gage de bonne santé

A noter : le jet-lag, qui concerne tout particulièrement les personnes qui voyagent à l’étranger pour leur travail, avec passage d’au moins 3 fuseaux horaires, provoque des troubles similaires à ceux du travail posté.

 

(1) Rappelons que le travail de nuit implique un minimum d’heures de travail comprises entre 21h et 6h du matin (éventuellement repoussé à 7h avec la nouvelle Loi Travail).

(2) Le travail de nuit et le travail posté sont des horaires dits « atypiques » et qui peuvent, de par leurs spécificités, engendrer des risques pour la santé. On qualifie d’« horaires atypiques » tous les aménagements du temps de travail qui ne sont pas « standards ». Le travail standard correspond aux configurations suivantes : 5 jours réguliers par semaine du lundi au vendredi, horaires compris entre 5 et 23 heures, avec 2 jours de repos hebdomadaires.” 
Pour en savoir plus : Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS)

(3) Travail posté : tout mode d’organisation du travail en équipe selon lequel des travailleurs sont occupés successivement sur les mêmes postes de travail, selon un certain rythme, y compris le rythme rotatif, et qui peut être de type continu ou discontinu, entraînant pour les travailleurs la nécessité d’accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jours ou de semaines
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32003L0088&from=FR