Si les pesticides ont permis de grands progrès dans la maîtrise de la production des ressources alimentaires et dans l’amélioration de la santé publique, on s’aperçoit, depuis les années 50, que ces substances ont des effets délétères sur l’environnement et la santé humaine. Les controverses sont vives dans les milieux scientifiques et politiques car les liens de cause à effet sont difficiles à établir. Les pesticides sont toutefois soupçonnés de jouer un rôle dans l’augmentation des cas de certaines maladies telles que les cancers, les maladies neurologiques (maladies d’Alzheimer, maladie de Parkinson…), les maladies endocriniennes ou encore de participer fortement à la baisse de la fertilité constatée ces 60 dernières années.
La population est en contact étroit et quotidien avec une multitude de molécules nocives. L’alimentation est la principale source d’exposition aux pesticides. Les contaminants peuvent également être présents dans l’atmosphère, le milieu professionnel, ou dans l’air intérieur de nos maisons qui concentre un véritable cocktail de substances toxiques.
Pour protéger sa santé et préserver la biodiversité, il convient d’éviter au maximum d’utiliser des pesticides de synthèse et surtout de protéger les populations les plus vulnérables que sont les femmes enceintes et les enfants. Éviter de pulvériser de l’insecticide sur ses plantes d’appartement, pailler ses plates-bandes pour limiter les mauvaises herbes, laver soigneusement ses fruits et légumes avant de les consommer sont autant de gestes simples qui permettent de limiter son exposition aux produits phytosanitaires à la maison ou lors de ses activités de jardinage.
Qu’est-ce qu’un pesticide ?
Les pesticides sont des substances toxiques utilisées pour éliminer des organismes jugés nuisibles à la production agricole ou à la santé publique. Il existe une multitude de substances actives différentes.
Composé des mots latins “pestis” qui signifie “fléau” et “caedere” qui signifie “tuer”, le terme “pesticide” est passé dans le langage courant en France dans les années 50, date à partir de laquelle l’utilisation de ces substances a doublée toutes les décennies. Le recours quasi systématique aux pesticides dans le secteur agricole comme dans la vie quotidienne, rend ses résidus omniprésents dans l’environnement.
Une multitude de molécules différentes
Les pesticides sont le plus souvent obtenus par synthèse chimique, mais peuvent également avoir, plus rarement, une source biologique telle que des bactéries, par exemple.
Le produit pesticide est constitué :
- d’une ou plusieurs substances actives, molécules toxiques qui agissent sur l’élément nuisible,
- d’un adjuvant, substance chimique destinée à renforcer l’action des substances actives ou à faciliter l’emploi du produit final comme les solvants, les conservateurs,
- ainsi que d’impuretés accidentellement intégrées lors de la fabrication.
En France, plus de 300 substances actives, contenues dans plus de 3000 préparations commerciales, sont utilisées dans le secteur agricole. 80% des pesticides utilisés en agriculture le sont pour les cultures des céréales, du maïs, du colza et de la vigne. Plus de 100 substances actives, regroupées dans plus de 500 préparations commerciales, sont « autorisées en jardin amateur » pour les particuliers.
Les pesticides appartiennent à plus de 150 familles chimiques dont les principales sont :
- les organochlorés, très persistants dans l’environnement,
- les organophosphorés, très toxiques, mais qui ont la faculté de se dégrader rapidement,
- les pyréthroïdes
- et les phytosanitaires qui sont les plus utilisés en France.
Des utilisations variées
Grâce à leurs propriétés toxiques, les pesticides sont utilisés pour prévenir, contrôler ou éliminer des organismes jugés nuisibles à la production agricole ou encore à la santé publique tels que certains animaux, des champignons, des insectes ou encore des plantes :
- les herbicides éliminent les mauvaises herbes,
- les insecticides éliminent les insectes,
- les fongicides éliminent les champignons,
- les rodenticides sont utilisés contre les rongeurs,
- les molluscicides contre les escargots et les limaces,
- les acaricides contre les acariens,
- les nématicides contre les vers,
- etc.
Les pesticides sont également utilisés pour contrôler la croissance des plantes, améliorer le stockage et le transport des productions agricoles.
Les pesticides relèvent de quatre réglementations différentes :
- les produits phytosanitaires ou produits phytopharmaceutiques à destination des agriculteurs, des jardiniers amateurs et du personnel d’entretien des espaces verts, des voies urbaines ou des voies de chemin de fer,
- les produits biocides utilisés par exemple par les professionnels de l’industrie du traitement du bois, par les professionnels de l’hygiène publique. et dans une utilisation domestique,
- les antiparasitaires à usage humain pour traiter la gale ou éliminer les poux par exemple,
- les antiparasitaires à usage vétérinaire.
Quels sont les effets des pesticides sur la santé ?
Si les effets des pesticides sur la santé sont l’objet de vives controverses, ils sont toutefois soupçonnés de jouer un rôle majeur dans l’apparition de certains cancers, dans l’augmentation de certaines maladies neurologiques ou endocriniennes ou encore de participer fortement à la baisse de la fertilité observée ces dernières années.
La substance active contenue dans le pesticide, qui cible un ou plusieurs organismes jugés nuisibles, peut également être toxique pour des organismes vivants qu’elle ne cible pas.
Des effets sur la santé controversés
Si les intoxications aiguës par les pesticides sont facilement identifiables et font consensus, les effets sur la santé suite à une exposition chronique à de faibles doses font aujourd’hui l’objet de controverses. Ces effets sont difficiles à établir en raison de plusieurs facteurs :
- du fait de leur très grand nombre et de la multiplicité des modes d’exposition (inhalation, ingestion, exposition cutanée…), il est très difficile d’étudier les effets de chacune des substances actives sur le long terme,
- les substances actives contenues dans un produit peuvent interagir entre elles, provoquant d’autres effets sur la santé. Des interactions peuvent également avoir lieu avec les adjuvants qui peuvent posséder leur propre toxicité ou majorer l’effet de la substance active, ou encore avec les impuretés accidentellement intégrées au cours de la fabrication du pesticide,
- la population est par ailleurs en contact permanent avec une multitude de résidus de pesticides via l’alimentation, l’air… Or, cet « effet cocktail » est très peu étudié pour l’instant,
- les maladies suspectées d’être induites par une exposition chronique aux pesticides, tels que les cancers, sont des maladies multifactorielles. Il y a donc quasi impossibilité d’établir un lien de cause à effet indiscutable. Les cancers en milieu agricole peuvent par exemple avoir pour cause une plus grande exposition au soleil, la proximité des virus du bétail…
Les intoxications aiguës
Les intoxications aiguës sont essentiellement répertoriées dans le milieu professionnel, par exemple lorsqu’un agriculteur est accidentellement exposé aux émanations de sa cuve de pesticides. Les symptômes dépendent du produit auquel les personnes ont été exposées mais le plus souvent sont retrouvés des céphalées, des brûlures des voies respiratoires et cutanées, des troubles digestifs.
Les cancers
L’impact de l’utilisation des pesticides sur l’augmentation des cas de cancers a été particulièrement mis en évidence avec l’utilisation du chlordécone dans les Antilles durant les années 70 à 90. L’utilisation de ces pesticides a en effet fortement majoré les cas de cancers de la prostate.
Si certaines études mettent en évidence une mortalité par cancers légèrement inférieure chez les agriculteurs par rapport au reste de la population, il apparaît que certaines localisations spécifiques sont surreprésentées dans cette même classe de population. Par exemple :
- les cancers hématologiques,
- les cancers hormonodépendants comme les cancers de la prostate, des ovaires ou du sein,
- les tumeurs cérébrales,
- les cancers de la peau,
- les cancers du poumon,
- les lymphomes non hodgkiniens (NHL),
- et les sarcomes des tissus mous, cancers très rares dans la population adulte.
Une augmentation des cas de leucémies et de tumeurs cérébrales est soupçonnée chez les enfants dont les parents utilisent des pesticides chez eux durant la grossesse et la petite enfance. De plus, il semblerait que l’exposition professionnelle des parents augmente les risques de développer des cancers pour les enfants.
Les affections respiratoires
Les agriculteurs ont un risque plus élevé de développer des affections respiratoires comme l’asthme, par rapport au reste de la population.
Les perturbations endocriniennes
Les pesticides sont fortement soupçonnés de provoquer un dysfonctionnement du système hormonal. Par exemple, l’herbicide Round Up, le plus vendu au monde, est fortement soupçonné d’être un perturbateur endocrinien et de provoquer, après exposition d’un des deux parents, le doublement des avortements spontanés tardifs.
Les affections neurologiques
Les pesticides sont soupçonnés de provoquer une augmentation :
- des syndromes parkinsoniens chez les agriculteurs et les personnes résidants près de parcelles sur lesquelles ont été épandues des pesticides,
- des cas de la maladie d’Alzheimer,
- des troubles de l’attention ou de l’humeur avec une augmentation de l’irritabilité, de l’anxiété et une augmentation des cas de dépression,
- une réduction des capacités cognitives comme le montre l’étude Phytoner publiée en 2012
- les pesticides sont également mis en cause dans l’augmentation des troubles d’hyperactivité avec déficit de l’attention (THADA) chez les enfants.
Les problèmes périconceptionnels
Les pesticides sont très fortement soupçonnés de jouer un grand rôle dans la baisse de la fertilité observée ces dernières années ainsi que dans l’augmentation des malformations in-utéro. Les scientifiques constatent :
- une baisse du nombre de spermatozoïdes et de la qualité du sperme chez l’homme,
- une augmentation significative des cas d’infertilité chez la femme,
- une augmentation des faibles poids des enfants à la naissance,
- une augmentation des cas de malformations génitales in-utéro telles que :
- la cryptorchidie qui est l’absence de descente des testicules dans les bourses,
- l’hypospadias qui consiste en une mauvaise position du méat urinaire,
- des cas de micropénis,
- mais aussi des anomalies du développement du cerveau impliquant des troubles neuropsychologiques et neurocognitifs.
Là encore, la population la plus touchée est celle des agriculteurs.
La mortalité
Enfin, l’exposition aux pesticides est corrélée à une plus forte mortalité 15 ans plus tard.
Comment se protéger des pesticides ?
Il convient d’éviter au maximum d’utiliser des pesticides de synthèse et surtout de protéger les populations les plus vulnérables que sont les femmes enceintes et les enfants.
Evitez l’utilisation de pesticides à l’intérieur quand vous le pouvez.
- par exemple, les traitements anti-poux chimiques sont à bannir. Dangereux pour l’homme, ils entraînent une résistance des parasites à l’insecticide. Il faut privilégier les produits sans insecticides composés d’huile végétale qui asphyxie les poux, en complément d’un peignage effectué à l’aide d’un peigne dont les dents ne sont pas écartées de plus de 0,3 mm. Ce traitement sera répété autant de fois que nécessaire et complété par un lavage soigné des vêtements et des linges en contact avec la tête,
- évitez les insecticides à diffusion progressive que l’on place à côté du lit pour éloigner les moustiques par exemple. Préférer les huiles essentielles ou l’installation de moustiquaires,
- ne vaporisez pas de pesticides de synthèse sur les plantes d’appartement et privilégiez les traitements naturels.
Se protéger des pesticides dans l’alimentation
- mangez des produits biologiques si vous le pouvez. Sinon, pelez les fruits ou les légumes qui s’y prêtent et lavez soigneusement les autres,
- ne pas proposer une eau dont la concentration en nitrates est comprise entre 50 et 100 mg/l aux femmes enceintes et aux nourrissons. Ne pas consommer ou utiliser pour un usage alimentaire une eau dont la concentration en nitrates est égale ou > à 100 mg/l,
- respecter les restrictions d’eau décidées par les autorités en cas de pollution importante. Les recommandations sont alors diffusées à la population par voie d’affichage dans les mairies. Si la restriction dure longtemps, la mairie peut être amenée à fournir aux habitants de l’eau potable.
Vous avez la possibilité de connaître les niveaux de polluants présents dans l’eau de votre commune en consultant les résultats du contrôle sanitaire de la qualité de l’eau potable, commune par commune, sur le site Internet du ministère des Affaires sociales et de la Santé.